La jeunesse est le symbole de notre monde. Elle en est même la pierre angulaire. C’est la jeunesse qui est au cœur de l’écologie. L’idée des générations à venir suppose que celles actuelles, et principalement les vieux de la génération qui s’en va ont fait leur temps. Les jeunes sont sacralisés et les vieux dénigrés. Et c’est sans doute ce dénigrement des « vieux » au détriment des jeunes qui explique l’intérêt que de plus en plus de personnes portent à la chirurgie esthetique Tunisie, c’est-à-dire à l’étranger. Car rester physiquement « jeune » c’est espérer faire partie encore et toujours de cette masse sanctifiée, de la communauté des élus que sont les jeunes.
Qu’est-ce que le jeunisme ?
Le jeunisme renvoie à un certain nombre de mesures discriminatoires visant à privilégier uniquement les jeunes au détriment des vieilles personnes. C’est lorsque sur le plan professionnel par exemple, tous les avantages sont accordés essentiellement aux jeunes. Que ce soit par le recrutement et le remplacement des personnes âgés au sein de ladite institution par les jeunes diplômés.
Nul ne peut contester que la société actuelle est « jeuniste », c’est-à-dire qu’elle fait de la jeunesse la valeur suprême. Il n’y a qu’à voir quel regard est porté sur les personnes âgées. Exclues de la société en commençant sur le plan professionnel, les personnes âgées doivent terminer leurs vies dans des centres d’internement comparables à des centres psychiatriques. La maison de retraite est à bien des égards l’équivalent de « La maison du bonheur » de Dany Boon. Un rêve qui s’écroule au pied des vieux en leur faisant comprendre que c’est pour se débarrasser d’eux que la société les y envoie.
Autrefois, la vieillesse était le symbole de la sagesse. D’ailleurs un proverbe africain s’accorde à dire qu’ « un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle ». Mais là, c’était avant que les vieux étaient honorés, se respectaient eux-mêmes et se constituaient pour les jeunes en source de savoir, d’initiation. Aujourd’hui, ceux qui sont valorisés ce sont les jeunes. Il y a, pour parodier Marx, comme une dictature de la jeunesse. Elle est le fruit d’une révolution spontanée née de l’économie marchande. Du capitalisme que Marx décriait, lequel en se détournant des vieux, n’a d’yeux que pour les jeunes aussi bien «force de travail » que comme consommateurs avides.
Pourquoi enjoliver la vieillesse ?
Il est clair que dans une société qui dévalorise en permanence les vieilles personnes, la jeunesse n’est plus, plus du tout dans la tête. Il ne suffit pas de penser comme un jeune pour l’être. Il vaut mieux être un jeune sur son visage, un jeune sur son corps, physiquement pour accéder à une société exclusive des vieux. L’on peut sans doute croire qu’il s’agit là d’une exagération, qu’affirmer qu’il y a dans la société actuelle une sorte de « haine » des vieux qui a fini par les convaincre eux-mêmes qu’ils sont détestables est hyperbolique.
Mais il n’y a qu’à voir ces tentatives d’euphémisation de ce qui touche à la vieillesse comme si dire « vieux » était aussi répugnant que de l’être. On remplace les termes vieux, vieilles, vieillards, etc., par ceux des retraités ou de personnes âgées. Cette déclinaison conceptuelle, cette obsolescence nominale, cette incapacité à prononcer ces mots « anciens » révèlent davantage le déclin, l’obsolescence aussi bien que l’incapacité des vieilles personnes. Rendre les mots jolis, utilisés des concepts comme ceux de « senior » visent à enjoliver, à embellir conceptuellement les vieux. Mais il n’y a plus que les mots qu’il faut embellir. Déjà que les vieux eux-mêmes ont du mal à s’accepter comme tels, à se faire appeler, désigner par leur âge, ils préfèrent donc maintenir vivante la flamme de la jeunesse grâce à la lame du bistouri.